Sommes-nous trop exigeants avec l’IA générative ?
Lors d’une formation à laquelle j’ai assisté récemment, la formatrice posait une question simple mais délicate : peut-on utiliser légalement une œuvre générée par l’intelligence artificielle, sans enfreindre les lois sur le droit d’auteur ? Dans une salle remplie de professionnel·le·s de l’audiovisuel, le débat a vite pris feu.
Mais pendant qu’on discutait de propriété intellectuelle, une autre question me trottait dans la tête : exigeons-nous de l’IA une pureté qu’on ne demande même pas à l’humain ? Après tout, aucun artiste ne crée dans un vide. Nos idées sont nourries par ce que l’on lit, écoute, regarde, ressent. Nos biais sont omniprésents, souvent inconscients. Pourquoi, alors, attendre d’une IA qu’elle soit parfaitement originale, ou pire : infaillible ?
L’IA plus poétique que les poètes ?
Une étude publiée par Nature en 2024 testait la capacité du public à distinguer des poèmes écrits par l’IA de ceux de vrais écrivains. Résultat surprenant : les poèmes générés par IA étaient souvent jugés plus humains. À tel point que plusieurs lecteurs croyaient que les textes de l’IA étaient l’œuvre de grands poètes… et prenaient les poèmes humains pour des productions mécaniques.
Dans ce cas, l’IA semble mieux réussir à toucher que nous. Plus simple, plus directe, plus lisible. Est-ce une preuve de supériorité ? Ou est-ce juste que nous avons fini par préférer un style digeste et immédiat ?
Mais incapable de battre un enfant à un jeu logique
À l’autre bout du spectre, une autre étude, menée par Apple, montre que les meilleurs modèles d’IA échouent à résoudre un problème logique élémentaire : la Tour de Hanoï. Ce petit jeu, souvent maîtrisé par des enfants de 7 ans, consiste à déplacer des disques d’une tige à l’autre selon des règles simples.
Même en leur donnant la solution, les IA testées s’emmêlent. Elles semblent comprendre, mais échouent à appliquer un raisonnement séquentiel rigoureux. C’est un paradoxe : l’IA bat des adultes en poésie… mais pas des enfants en logique.
Ce qu’on appelle « performance » n’est peut-être pas si clair
Pourquoi exiger de l’IA qu’elle excelle dans tous les domaines ? Après tout, nous-mêmes avons des points forts, des angles morts, des préférences. C’est ce que montre une troisième étude menée par le MIT : des participants devaient rédiger des textes argumentatifs, avec ou sans assistance d’un outil numérique (ChatGPT ou Google Search). Verdict : ceux qui utilisaient ChatGPT produisaient de meilleurs textes… mais avaient ensuite plus de difficulté à écrire seuls.
L’IA raccourcit notre effort et accélère nos processus. Mais à quel prix ? Peut-être qu’une IA trop performante ne nous aide plus à penser : elle pense à notre place.
Et si on cherchait une IA moins parfaite, mais plus humaine ?
Pour que l’IA reste un véritable partenaire, peut-être ne doit-elle pas être parfaite. Peut-être doit-elle, elle aussi, se tromper un peu, nous forcer à réfléchir, nous donner le droit au doute. Une IA qui ne vise pas à remplacer l’humain, mais à instaurer un dialogue, imparfait certes, mais porteur d’apprentissage.
Conclusion : l’enjeu n’est pas la perfection, mais l’usage
L’IA doit-elle être plus performante que nous ? Certains diront qu’elle excelle déjà en poésie. D’autres souligneront ses failles logiques. D’autres encore s’inquièteront de notre dépendance croissante à ces outils.
Mais ces trois constats ont un point commun : ils nous rappellent que l’IA, comme l’humain, a des forces et des faiblesses. Ce qui compte, ce n’est pas sa puissance brute, mais la façon dont nous l’intégrons à nos pratiques, avec lucidité.
Et c’est sans doute là que réside le vrai travail : apprendre à bien l’utiliser, à dialoguer avec elle, à ne pas confondre assistance et substitution. Un apprentissage qui, comme tout apprentissage humain, demande du temps, des essais… et un peu de méthode.
Alexandre Lapalme est consultant en intelligence artificielle chez Liftia, où il conçoit des contenus de formation et accompagne les organisations dans l’adoption réfléchie des technologies IA. Liftia est une jeune entreprise basée en France et au Canada, spécialisée en formation et en accompagnement sur mesure en intelligence artificielle.
